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Les réseaux humains et le paradoxe de l’amitié

Cet article fait partie d’une série d’articles sur la théorie des réseaux sociaux et du réseautage. Nous présentons ici notre lecture du livre The Human Network, How we’re connected and why it matters, de Matthew O. Jackson.

The Human Network offre un point de vue macroscopique et économique du réseau humain, contrairement à Marissa King dont nous avons discuté et qui part du point de vue individuel. Le livre décrit les effets des réseaux humains sur les contagions, la diffusion d’idées, les crises financières, la répartition des richesses ou la reproduction des inégalités. Je me focaliserai sur l’un des concepts de base du livre, le paradoxe de l’amitié. Tellement paradoxal qu’on met un peu de temps à le saisir. Une fois assimilé, ce paradoxe offre l’explication de la plupart des effets de mode et d’emballement auxquels on assiste sur les réseaux sociaux aujourd’hui.

Pourquoi mes amis ont-ils plus d’amis que moi?

Vous êtes vous déjà demandé si vous amis avaient plus d’amis que vous? C’est certainement parce que c’est le cas… Selon le paradoxe de l’amitié, concept élaboré par le sociologue Scott L. Feld, la plupart des individus ont moins d’amis que la moyenne d’amis de leurs amis. Ce paradoxe découle de la distribution statistique de la plupart des réseaux d’amitié. Les personnes les plus populaires auront plus de probabilité d’être vos amis mais aussi ceux des autres, et vous aurez peu de probabilité d’être ami avec les moins connectés.

La situation est comparable sur les réseaux sociaux et leurs algorithmes qui favorisent les réactions des amis, les « like ». S’enclenche un effet boule de neige. Plus on a de « likes », plus notre contenu obtient d’exposition et plus on est exposé, plus on collecte des « likes ». Dans le monde des startups, les fondateurs débutants se frottent à ce phénomène. Si vous êtes fondateur de startup et que vous vous demandez pourquoi certaines startups et leurs fondateurs semblent toujours lever plus d’argent que vous, vous pourrez maintenant l’attribuer au paradoxe de l’amitié.

Matthew O. Jackson souligne dans son livre que nous développons notre réseau en se faisant introduire à une nouvelle relation par un ami. Les effets de popularité se cumulant, les plus connectés d’entre nous auront mathématiquement plus de chances de se faire présenter à de nouvelles relations et d’accroître leur réseau. Non seulement ils seront plus populaires, mais Ils auront aussi accès à plus d’information et plus d’opportunités.

Pour diffuser une idée dans un réseau, ciblez les noeuds

Les réseaux sont également un diffuseur d’idées. Et là aussi, l’avantage revient aux plus connectés. S’y ajoute un phénomène qui sert de catalyseur sur les réseaux sociaux; l’homophilie sociale (social homophilia), c’est à dire la propension à nous connecter avec des gens qui nous ressemblent. L’homophilie explique notamment pourquoi dans les groupes homogènes les idées adverses sont plus facilement rejetées, tandis que les idées soutenues par le groupe sont renforcées. Cela explique pas mal des dérives depuis 2004.

Observons la rapidité de diffusion des concepts tendance dans le business. Les fameux buzz words qui se répandent à la vitesse d’une tempête de sable. Citons le cas du growth hacking et des outils d’automatisation marketing. Ces concepts souffraient encore il y a quelques années d’un manque d’éthique flagrant. Ce manque a été balayé avec la diffusion grandissante auprès des jeunes business developers, via les cours magistraux dispensés dans les amphithéâtres par les chantres digitaux, sans qu’aucune remise en cause ne se soit profilée au sein de ce groupe.

Trop d’amitié tue l’amitié

Enfin, l’homogénéité du réseau et la sur-exposition liée au paradoxe de l’amitié, peut aussi aboutir à des crises. Matthew O. Jackson évoque les crises financières et leur effet de contagion. Certaines structures du réseau financier peuvent favoriser des crises plus sévères que d’autres. Les réseaux où quelques grandes banques centralisent la plupart des transactions sont plus fragiles que ceux ou pleins d’acteurs équivalents prennent une fraction du risque et évitent une faillite en cascade.

Qu’on se rassure, il y a d’autres moyens d’avoir de l’influence que de cumuler les relations. On peut:

  • Avoir beaucoup d’amis
  • Avoir peu d’amis, mais des amis connectés
  • Etre le connecteur entre deux milieux non connectés, et là je regarde en direction de Linksider et vous me voyez déjà venir

L’effet « longue traine » des réseaux avec Linksider

On peut mitiger les effets de popularité en offrant à chacun l’opportunité d’être exposé aux bons interlocuteurs. Une sorte de super-personnalisation du réseau. Ou, comme en parle Bogdan, l’un de nos clients, c’est l’effet « long tail » du réseau. Pour rappeler à ceux qui ne sont pas familiers du concept, le long tail dans le business est le fait de partir chercher le volume dans les extrémités d’une distribution, par exemple en vendant des articles moins grand public mais qui peuvent intéresser collectivement plus de monde que les produits « mainstream ».

Photo by NIKHIL KESHARWANI on Unsplash

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Votre réseau personnel s’adapte à votre parcours de vie

Cet article fait partie d’une série d’articles sur la théorie des réseaux sociaux et du réseautage. Nous présentons ici notre lecture du livre Social Chemistry de Marissa King.

Il parait logique d’admettre que notre réseau de relations ne reste pas statique tout au long de notre existence. Notre réseau vit, grandit, s’enrichit de nouveaux contacts. Puis le temps passe, nous sommes pris par notre carrière et notre vie de famille. Notre réseau se recentre. Arrive la quarantaine, la cinquantaine, ceux qui étaient nos camarades d’études s’avèrent influents, certains ont revendu leur société et sont à la retraite, d’autres ont trouvé la reconnaissance du public. On a moins de contacts qu’à 25 ans mais ils sont plus puissants.

Le réseau d’un individu moyen à son apogée à 25 ans

D’après Marissa King, auteure du livre Social Chemistry, le réseau d’un individu moyen arrive à son apogée à l’âge de 25 ans. C’est durant les études supérieures qu’on se fait le plus de relations. Le moment est propice et les occasions de faire la fête et de rencontrer de nouvelles personnes sont nombreuses.

M. King distingue trois styles de réseautage et donc trois types de réseauteurs. On peut passer d’une catégorie à l’autre au fil de notre existence et en fonction de nos besoins et habitudes du moment.

Quand on analyse un réseau on prend en compte:

  • Le nombre total de contacts
  • L’interconnexion des contacts entre eux: vos amis sont-ils amis entre eux
  • La diversité des contacts (géographique, culturelle, professionnelle, …)
  • La proportion de nouveaux contacts par rapports aux anciens

M. King distingue les « expansionists », les « brokers » et les « conveners ».

Les expansionnistes sont le type même de la personne populaire

Les expansionnistes passent beaucoup de temps à développer leur réseau et se faire de nouveaux contacts. C’est l’exemple-type de la personne populaire. D’après King, alors qu’une personne connait en moyenne 600 personnes, un expansionniste peut en connaitre 6000 et plus. Cela se fait parfois au détriment de l’entretien des anciens contacts car la création de nouveaux liens demande du temps et beaucoup d’organisation. Les meilleurs expansionnistes s’appuient sur un système de gestion de contacts, type CRM, très pointu.

Les brokers au carrefour des idées

Ceux que Marissa King appelle les brokers passent plus de temps à entretenir leurs contacts. Et surtout ils s’aventurent vers des mondes différents. Tels des caméléons, ils sont l’interface entre plusieurs mondes qui ne se côtoient pas forcément. Par exemple, l’un de nos clients est né en Roumanie et a fait ses études en France. Devenu entrepreneur à succès, il fait le lien entre deux pays et deux cultures. Grâce à sa société, Il contribue à connecter des ressources humaines très qualifiées, puisées dans son pays de naissance, vers des marchés géographiques éloignées de son pays. Les brokers présentent l’avantage d’avoir un réseau générateur d’idées innovantes.

Les « conveners », des réseauteurs en diamant

Enfin, les « conveners » sont ceux dont le réseau est fortement interconnecté. Ce sont vos amis d’enfance qui se connaissent tous entre eux, par exemple. L’avantage du réseau des organisateurs est de pouvoir obtenir une forte mobilisation. L’homogénéité des profils faits que l’adhésion à une idée fédératrice est plus facile. Si on fait une analogie avec la chimie, on retrouve la structure d’un diamant avec des mailles homogènes et très interconnectées. On imagine aisément la solidité d’une telle structure. Ainsi, le monde du micro-crédit s’appuie sur les propriétés des réseaux de conveners, rencontrés fréquemment dans les petits villages à forte dominante familiale. Si je prête à un ami qui est le frère de mon ami et le mari de ma soeur, il semble plus certain que j’obtiendrai mon argent en retour. Le taux de défaut de crédit d’un tel réseau est plus faible. Le revers de la médaille est que les réseaux de « conveners » sont parfois moins perméables aux idées nouvelles.

Votre style de réseautage évolue dans le temps

Alors comment savoir si on est « convener », « expansionist » ou « broker » ? Marissa King fournit un outil d’audit de son réseau. On peut déjà dévoiler que notre profil n’est pas figé dans le temps. Au début de notre carrière nous avons tendance à adopter le profil d’un expansionniste, accumulant de nouvelles relations à la faveur d’une vie sociale riche. Puis, nous nous focalisons sur notre sphère d’expertise, on devient un peu plus « convener ». Nos enfants naissent, nous nous recentrons sur l’essentiel, faisant un peu d’entretien de notre réseau en revoyant nos amis, notre profil « convener » se renforce. Mais on en profite aussi pour sortir de la sphère purement professionnelle en prenant des engagements associatifs, en investissant de nouveaux loisirs, notre réseau devient plus varié et prend un profil « broker ».

A un certain âge, on n’a plus besoin d’accumuler des contacts car on connaît les bonnes personnes. Celles qui à leur tour connaissent les bonnes personnes dans leur domaine. On peut se reposer sur un acquis patiemment cultivé au fil des années. Je m’inspire d’un exemple personnel. Les parents de mon conjoint ont pris l’habitude d’organiser une série de réceptions chaque été et de convier amis, anciens collègues et relations avec lesquels ils souhaitent maintenir le contact. Cette routine est puissamment ancrée dans leur existence et rythme leurs années.

Il n’est jamais trop tard pour valoriser son réseau personnel de relations

Chez Linksider, nous pensons que:

  1. L’entretien de son réseau est vital à tout âge. Comme un jardin non arrosé, les relations non sollicitées s’oublient petit à petit. Par contre, même au bout de 20 ans, on peut recontacter un vieux camarade d’études qui sera content de nous parler. On peut ainsi régénérer notre relation avec lui.
  2. On peut continuer à faire croître son réseau au-delà d’un certain âge. C’est une forme d’hygiène personnelle et professionnelle.
  3. Notre réseau possède une valeur inexploitée. Notre réseau se nourrit d’opportunités. On peut partager notre réseau avec ceux qui apportent de nouvelles idées et opportunités. C’est ce que nous promouvons avec la plateforme Linksider.

Photo by Tamanna Rumee on Unsplash